Le Mondial de la bière est-il toujours aussi pertinent ?

C'est donc cette semaine du 14 au 18 juin 2017 que se déroulera au Palais des Congrès de Montréal le Festival Mondial de la Bière. Pour plusieurs, dont moi, ce festival marque le début de la saison de l'ensemble des festivals brassicoles. C'en est un incontournable. Une belle offre de bières servies par des personnes souvent passionnées. Un seul endroit, gratuit d'accès, pour boire des centaines de bières différentes.
Le Mondial de plus en plus critiqué ?
Pour certains, le Mondial est de moins en moins pertinent. Ça fait plusieurs années qu'il est boycotté par certaines microbrasseries (grandes ou petites), soit pour ce qu'il en coûte beaucoup trop pour l'exposant lui-même, soit pour une organisation qui laisse à désirer.
Davantage d'un point de vue consommateur, un autre blogueur en parle dans un article signé l'année dernière (Comment renouveler les festivals de bières du Québec) (et de nouveau cette année), critiquant une place beaucoup trop importante pour la bière de macrobrasserie et une place insuffisante pour d'autres bières importées. Un Mondial devrait être international, non ?
L'offre de bières intéresse de moins en moins les beer geeks, ciblant, peut-être volontairement, le grand-public. Si cet objectif reste louable pour emmener les gens à s'intéresser au monde de la bière, reste que d'autres se sentent laissés pour compte. Même si personnellement je préfère les microbrasseries d'ici et d'ailleurs, reste que le Mondial n'a jamais eu l'intention de cibler que les micros et depuis que j'y participe ça n'a jamais été le message envoyé par les organisateurs. Dans l'article de Brassins du Québec, on peut d'ailleurs lire la réplique que Katia Bouchard:
Le Mondial de la bière ne se positionne pas comme juge et il ne choisit pas pour ses visiteurs. Il présente les bières de l’ensemble du secteur brassicole, des plus petites brasseries aux plus grandes !
On peut juste y aller pour les microbrasseries et ignorer le reste. Si les macrobrasseries reviennent c'est qu'ils y trouvent leur compte, pas nécessairement en matière de ventes, mais davantage en matière de visibilité. Ils ont le budget à cet effet.
Pourquoi certaines microbrasseries n'y sont plus ?
Dans l'article de Brassins du Québec, on nomme ceux-ci:
- Les coûts trop importants
- Une structure à l'efficacité discutable ? (on parle d'organisation)
- Le manque de ressources
Je pourrais ajouter d'autres raisons. L'une d'elles est que la quantité de bière nécessaire pour passer à travers les cinq jours du Mondial est quand même importante. Certaines microbrasseries n'ont soit pas la capacité de produire autant de bières parce qu'elles sont trop petites (le Bistro des Régions répond à ce problème), soit elles n'ont pas assez de bière car la demande est déjà trop importante dans leurs activités régulières.
C'est une question de visibilité également. Une microbrasserie qui est dans la région de Québec, qui ne distribue pas en bouteille à travers la province et qui vend déjà tout ce qu'elle produit, n'a pas tant à gagner sur la visibilité à Montréal, par exemple.
Bon pour le tourisme et la visibilité internationale
Le Mondial a quelques fois coïncidé avec le Grand Prix de Montréal (ou du moins, la semaine avant ou après) ce qui fait en sorte qu'il y a beaucoup de touristes. Ce n'est pas un mal en soit, mais disons que les touristes sont là pour s'amuser. Ça permet d'avoir une atmosphère un peu plus fêtarde.
Malgré tout, pour des microbrasseries qui en ont la capacité, ça permet de se faire connaître hors des frontières et on ne peut pas s'en plaindre. Il m'est arrivé quelques fois de croiser des beer geeks/beer trotters qui venaient goûter du Dieu du Ciel!, Le Trou du Diable, Les Trois Mousquetaires, et certainement d'autres, moins connus ailleurs.
Évolution des emplacements
La plupart des gens se souviennent de la belle époque de la Station Windsor sur la rue De la Gauchetière, la dernière édition à cet emplacement a été en 2010. C'est vrai que l'ambiance était belle, et c'est vrai que c'était tassé à l'intérieur, mais à l'extérieur c'était magnifique entre les murs, on se sentait presque « entre nous », amoureux de la bière. Le conseil qu'on avait à ce moment, était d'arriver le mercredi dès la première heure. Le charme total. Il est vrai qu'à 17h le vendredi on voyait une file d'attente qui commençait sur la rue De La Gauchetière (maintenant renommée Avenue des Canadiens-de-Montréal sur cette portion) et allait jusqu'au bout entre la gare et le Centre-Bell. Les exposants considérés comme macrobrasserie étaient (généralement) regroupés à l'extérieur, dans une allée un peu mise à l'écart.
Ensuite, en 2011, avec la Place Bonaventure c'était un peu un fiasco, beaucoup en avaient contre le bruit dans cette enceinte de béton. Tout était écho. Avec des amis, on se réfugiait dans un dôme qui coupait un peu le bruit et offrait un havre de tranquillité dans ce chaos. Au moins, il y avait quelques endroits pour se réfugier. Les alentours de la piscine extérieure et la mezzanine, plutôt tranquilles, étaient réservés aux VIPs. La partie extérieure, où il y a l'étang à l'Hôtel Bonaventure, avait été réservée par Boris. Hey, de la bière gratuite, dans une ambiance relax avec une musicienne qui jouait de la harpe, que demander de mieux ?
Depuis que le Mondial est arrivé au Palais des Congrès, c'est déjà mieux côté sonorité. Mais que faire des verres qui se brisent et qui emportent une vague sonore de plus en plus répétitive au fur et à mesure que la soirée avance ? Faut se rendre à l'évidence que cette mascarade restera d'une édition à l'autre.
Pour revenir à l'emplacement, l'offre qui se sépare entre une partie intérieure et une partie extérieure, séparée par un no man's land, offre quand même une certaine flexibilité dans le confort. L'intérieur s'en vient quand même surpeuplé en heures de grande achalandage. L'extérieur a le même problème, quand il fait beau, mais peut-être dans une moindre mesure. Reste que les places pour s'y installer tranquillement sont parfois rares.
Le concours du grand public
Une petite controverse à l'édition 2016 a aussi fait des mécontents. Dans le concours du grand public, c'est la bière d'une brasserie peu enviée qui a remporté le prix, alors que beaucoup d'autres bières sont meilleures. On ne peut pas juger le choix du grand-public sous le prétexte que c'est quand même une sorte de vote populaire, mais disons que certains kiosques ont mis plus d'énergie à faire remplir des formulaires aux festivaliers que d'autres. Certaines microbrasseries n'en avaient aucun intérêt et c'est également leur choix.
D'autres ont été mal informées, quand on parle par exemple des bénévoles qui servaient la bière. Reste que ça a créé un déséquilibre qui ne représente pas la réalité.
Pour une question d'amusement, on a voulu voir ce qu'il en était sur les évaluations entrées sur Untappd. Avec l'API, en considérant que les entrés faits lors des journées du Festival aux emplacements du Palais des Congrès et du Mondial, on peut voir que c'est plutôt la Solstice d'été framboise avec la Péché Mortel de Dieu du Ciel! qui ont eu les meilleures moyennes. Ce n'est pas tout le monde qui utilise Untappd, on ne peut donc pas parler de choix du grand public, mais reste que ces bières nommées comme étant favorites nous semble plus près de la réalité.
Le petit pub
Le petit pub a toujours été un comptoir de prédilection pour ceux qui aiment découvrir des bières importées. Ce seront donc la Belgique, le Brésil, l'Espagne, les États-Unis, l'Italie, la France, la Norvège et la Pologne qui seront représentés. Reste à voir si le choix des bières en tant que tel est intéressant.
La première qui retient l'attention est Three Floyds, qui est très réputée, mais particulièrement avec sa Dark Lord, un stout impérial à 15%. Chez les Américains, The Lost Abbey est une très bonne brasserie également.
Pour le côté brésilien, Bodebrown revient pour la troisième ou quatrième année consécutive. L'année dernière la Tripel Monfort Merlot Wood Aged avait été une belle surprise de leur part. Elle est disponible cette année. Leurs Wee Heavy ont la cote également.
Provenant de Varsovie en Pologne, Doctor Brew semble intéressante. Beaucoup de IPA de leur côté, espérons simplement que l'arrivée des caisses n'a pas été trop longue...
Du côté de la Norvège, Nøgne Ø ne déçoit pas. Spécialisés dans les grosses bières lourdes, leurs porters, stouts et barley wines sont à ne pas manquer. La Dark Horizon 5th Edition nous semble particulièrement intéressante.
Les off-Mondial
Pour certains, les off-Mondial sont plus intéressants que le Mondial lui-même. Dans les événements à ne pas manquer, le Dieu du Ciel! se fera le mercredi, le Brouhaha Rosemont fêtera son 9e anniversaire le jeudi.
Le vendredi a pour thème les bières sûres. Le Saint-Bock, sur St-Denis, et la Station Ho.st, sur Ontario, offriront ce genre de bière. Les deux sont à distance de marche l'une de l'autre.
La soirée cask, qui était au Mondial ces deux dernières années, retourne au Bénélux sur Sherbrooke le samedi soir.
Une carte rechargeable
Cette année, une carte RFID, ressemblant à la carte OPUS, pourra être remplie de coupons et sera offerte aux festivaliers. Ceci permet entre autres à l'organisation d'éviter de compter des coupons. Peut-être que ça réglera le problème soulevé par Brassins du Québec qui mentionnait les exposants qui ont attendu leur dû longtemps après l'événement. Cela permet aussi d'éviter la falsification; ces deux dernières années ayant reçu des alertes à ce sujet.
En tant que festivalier, l'avantage est de ne pas avoir besoin de manipuler la liasse de billets dans le porte-feuille. Reste à voir si ce sera efficace au moment de grande affluence chez les exposants débordés.
Les alternatives
En matière d'alternatives, il y a tellement de festivals brassicoles au Québec cette année que le choix est large. Il y en a pour tous les goûts et la concurrence commence à se faire sentir. Les festivaliers ont en général un budget limité, donc probablement que certains festival mourront. Le Mondial n'est pas destiné à disparaître selon moi, mais comme l'offre est de plus en plus grande, il sera plus facile de cibler ceux qui correspondent à nos besoins en tant que festivaliers. Une belle alternative ce week-end est la Commission Brassicole. Je n'y suis jamais allé encore, je ne peux donc pas en parler, mais je n'ai entendu que des bons commentaires jusqu'à présent. À suivre...